Vraiment, complètement, totalement trempée. Parce qu’il ne faisait pas que pleuvoir, ce soir-là. Il neigeait. De la petite neige collante et fondante qui s’accrochait à mon manteau et qui le traversait comme s’il n’existait pas. Mes lunettes embuées par le changement brusque de température (neige-pluie-blasphèmes / chaleur-décorum-belles-personnes-qui-vont-au-théâtre-lustre-fascinant-de-l’Usine-C), je suis arrivée au théâtre à reculons, en retard – en plus!-, bougonne, fatiguée.

Ensuite…aussi bien annoncer mes couleurs tout de suite, j’ai un préjugé défavorable envers l’humour français.

Ça me donne mal à la tête, leur accent, durant un film ou une pièce. Je ne comprends pas les références culturelles, ni tout le vocabulaire, je ne me sens pas concernée, et je n’ai eu que des mauvaises expériences théâtrales avec la France.

Voilà, c’est dit.

Feel free to leave my blog.

Je continue.

N’ayant pas de programme à me mettre sous la dent avant le commencement, j’essaie de me remémorer ce qui fut dit en classe à propos de la pièce. Les bagages sont restés coincés à l’aéroport, les comédiens aussi, on essaie de jouer de notre mieux une version du Songe d’une nuit d’été. Bon. Respire, ça va bien aller. Le jeu des acteurs. Focus. Si seulement ça pouvait commencer… La gamine boudeuse en moi ne peut pas s’empêcher de gémir : impossible pour moi, à ce moment, d’être réceptive à la pièce. Je me débats avec un manteau humide, mes cheveux dégouttent sur mon front, j’ai honte d’exhiber une telle chevelure en public et les lumières ne se ferment pas, tout pour améliorer mon humeur.

20hrs10. Bing, bang. Les acteurs déboulent vers la scène et je suis déjà emmerdée. La mauvaise foi suinte de tous les pores de ma peau et je me désole de ne pas être assidue et curieuse comme Sara. Même pas la force d’adopter son attitude de c’est-à-qui-le-chien-chien. Les faux techniciens parlent,parlent,parlent, j’écoute, j’écoute, j’écoute, mes collègues rient et moi je souris poliment – ou du moins, j’essaie.

Mais j’ai mal à la tête et je rate un mot sur deux.

Il semblerait que mon air poli ne soit pas très convainquant – ou convaincu, puisque je divertie beaucoup mes voisines de siège avec mon air blasé. Donnez-moi une cigarette, une voix rauque, quelques dizaines d’années de plus, le portrait est complet.

Oh, je n’ai pas détesté « En attendant le songe ». C’était sympathique, c’était amusant, …c’était français. Mais contrairement à la majorité de mes confrères et consoeurs, je n’ai pas été happée par la folie et l’énergie du spectacle, ni par l’enthousiasme des comédiens, ni impressionnée par les nombreuses mises en abyme. Je reçois la pièce, j’approuve la démarche artistique, je la comprend, mais je n’ai pas été renversée.

Ça arrive, je crois.

C’est peut-être ma malédiction des comédies…même si je croyais l’avoir brisé.

Il y a deux semaines, je suis allée voir Il campiello, de Goldoni, mis en scène par Serge Denoncourt. Deux heures de divertissement pur et dur. J’ai ri comme je n’avais jamais ri auparavant au théâtre.

Et surgissent alors les questionnements habituels : pourquoi suis-je incapable de voir ce que tout le monde voit dans cette pièce ? Suis-je condamnée à me rabattre sur des comédies légères, du théâtre d’été, pour être divertie au théâtre ? Suis-je suffisament intelligente pour être là où je suis, dans ce programme ? Bonjour mon syndrome de l’imposteur, il y a longtemps que nous nous sommes vus.

Ceci dit, je ne crois pas que ce soit le cas. En fait, je ne sais pas. Que dois-je blâmer pour le déroulement de ma soirée ?

Moi.

Moi et moi seule.

D’autres circonstances, d’autres émotions, d’autres journées, mon attention aurait été complètement différente, et ma compréhension / appréciation aussi. Mais enfin, je peux tout de même tirer quelques généralités de mon expérience à l’Usine C.

Je m’appelle Amélie Faubert, je n’aime pas l’humour français et quand je suis mouillée, je n’arrive pas à me concentrer.